Agroserv est la première entreprise sortie du portefeuille de Sinergi Burkina. A travers l’interview de Siaka Sanon, PDG d’Agroserv, découvrez l’évolution de l’agro-industrie accompagnée par Sinergi Burkina entre 2017 et 2022.
Pouvez-vous nous raconter les débuts de votre parcours entrepreneurial ?
Siaka Sanon : En parallèle de mes études en informatique, j’ai aidé ma mère dans la gestion dans l’entreprise familiale, ESKF, spécialisée dans le commerce de céréales, en particulier de maïs, au Burkina Faso. Après l’optention de mon DUT en 1997, j’ai décidé de continuer à m’engager dans cette voie, car je souhaitais participer à l’aventure entrepreneuriale familiale. Plus tard, en 2008, j’ai pris les rênes de l’entreprise, avec la volonté de la renforcer. L’entreprise est alors devenue Agroserv.
Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Sinergi Burkina et des apports de ce partenariat ?
Siaka Sanon : J’ai entendu parler de Sinergi Burkina fin 2015. C’était à mes yeux l’opportunité d’avoir un partenaire ayant de l’expérience dans la structuration d’entreprise. Nous sommes entrés en contact et un an plus tard environ, nous avons démarré le partenariat.
L’élément principal de cette collaboration a été la formalisation d’Agroserv, qui a depuis changé de statut juridique et s’appelle désormais Agroserv Industrie. Sinergi Burkina nous a accompagné de manière efficace dans ce processus, m’encourageant à recruter des agents, à payer mes impôts et à formaliser les emplois. Cela ne s’est pas fait sans difficultés : il a fallu changer nos pratiques, et certains employés ne comprenaient pas, voire rejetaient, cette structuration. Mais c’est aujourd’hui un vrai gage de crédibilité de l’entreprise, y compris pour les employés.
Ce partenariat a également apporté de la visibilité à Agroserv. Je pense notamment à la visite du Prince Albert II de Monaco, et à la présence du président du Faso, Chef de l’Etat Burkinabé lors du lancement des activités en 2018, qui a été largement relayée localement.
Enfin, je dirais qu’aujourd’hui, suite à l’accompagnement que nous a apporté Sinergi Burkina, le dialogue avec les banques dans le cadre des levées de fonds est plus facile.
Vous avez justement clôturé une nouvelle levée de fonds cette année. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Siaka Sanon : Notre entreprise va être accompagnée par Investisseurs & Partenaires, qui possède des tickets d’investissement plus élevés. I&P étant partenaire de Sinergi Burkina, j’ai participé en 2018 au Séminaire de formation des Entrepreneurs, organisé par I&P et Le Club Africain des Entrepreneurs. À cette occasion, j’ai pu présenter aux équipes d’I&P et aux investisseurs présents les projets d’extension que je souhaitais mettre en place. Beaucoup ont été convaincus par ma volonté de dynamiser le marché local de transformation et de commercialisation du maïs et de ses dérivés. Aujourd’hui en 2022, I&P, Oikocrédit, BIO et AGEFI sont les nouveaux acteurs qui m’aideront dans mes projets.
Je souhaite entamer une diversification à plusieurs niveaux d’Agroserv Industrie. Tout d’abord, nous aimerions élargir notre offre en introduisant une nouvelle légumineuse, le soja. En parallèle, nous souhaitons élargir notre base de clientèle. Pour ce faire, nous souhaitons développer nos capacités de transformation avec des machines spécialisées qui nous permettront de proposer des produits de qualité tels que des farines nutritives infantiles, de la semoule précuite ou encore des chips.
Quel a été l’impact de la crise Covid-19 sur vos activités ?
Siaka Sanon : AgroServ a été assez durement impactée. Nous avons dû complètement cesser nos activités pendant 3 mois.
La crise m’a cependant confortée dans ma volonté de développer des unités de transformations spécialisées, afin de répondre à la demande de produits de qualité. En effet, c’est sur la même période, et dans une logique de résilience, que nous avons commencé à nous pencher plus sur la production de farines de maïs. Nous les produisions avec les mêmes machines que pour produire le gritz à destination des brasseries. La qualité de la farine était donc moindre, puisque le procédé n’était pas adéquat, et nous avons compris qu’il fallait que nous développions nos unités pour convaincre les acheteurs.
Les crises actuelles, à savoir la situation sécuritaire au Burkina et la guerre en Ukraine, ont-elles aussi des conséquences sur vos activités ?
Siaka Sanon : La situation sécuritaire au Burkina nous impacte fortement, notamment pour l’approvisionnement en maïs, notre matière première. Faute de pouvoir cultiver le sorgho et le mil, la demande pour le maïs est en forte hausse auprès des populations au Nord du pays. Certains agriculteurs refusent désormais de nous vendre leurs productions, car ils jugent plus facile de les vendre à des commerçants et colporteurs locaux qu’à leur coopérative qui contracte avec Agroserv.
En parallèle, la guerre en Ukraine s’accompagne d’une augmentation des prix, notamment des métaux. Le prix des équipements que nous souhaitons acquérir est ainsi plus élevé que prévu, auquel se couple l’augmentation des frais de transports. Notre budget est ainsi très serré…
Face à ces difficultés, quelles sont les moteurs qui vous poussent à poursuivre vos projets ?
Siaka Sanon : Nous participons à nourrir l’Afrique, ce qui est un vrai défi car les conditions sur le terrain sont difficiles. Si certains trouvent qu’il est plus simple d’importer les produits agricoles de grandes multinationales européennes, je suis convaincu qu’il faut que l’Afrique se nourrisse elle-même.
Produire en Afrique pour les Africains, c’est un défi, certes, mais c’est aussi une opportunité. Et cela passe aussi par le financement, et par la possibilité d’identifier des partenaires sérieux qui comprennent ces enjeux pour nous accompagner.